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KABOUL

Jour 1 : L'arrivée

Au milieu des turbulences, notre Boeing atterrit sur le tarmac. Les premiers avions que j’aperçois sont de l’US Army, puis quelques hélicoptères Comanche pendant que deux Chinook se déploient dans le ciel de Kaboul. Je passe les douanes et contrôles en croisant les doigts ; tout va très bien. J’espère voir mes hôtes, mais personne. Des afghans viennent me proposer leur aide pour transporter mon Pelicase mais je connais la combine. Je sors de l’aéroport, je suis toujours tout seul. J’emprunte un téléphone lorsque mes accompagnateurs arrivent : ils sont parfaitement à l’heure, c’est mon avion qui avait beaucoup d’avance. La responsable de l’ONG est contente de me voir ; idem pour moi. L’afghan qui nous accompagne conduit, le bodyguard est à côté.

Nous traversons Kaboul, j’y découvre la dure réalité laissée par tant d’années de conflits : des hommes armés gardent de nombreux points fortifiés, des estropiés se font conduire en brouette, des enfants mendient, un camion benne transporte une vingtaine de femmes, des camés fument du pavot sur les trottoirs. Tout ça dans un brouhaha de voitures, de klaxons et de charrettes.

 

Nous arrivons au centre. Les lourdes portes blindées se referment derrière nous. Le deuxième bodyguard resté au centre nous épargne la fouille de la voiture. Une triple barrière de barbelés cerne le centre, cet îlot préservé où des peintures aux murs amènent gaité et couleurs vives.

 

La responsable de l’ONG me fait visiter les classes. Dès que je pénètre dans une salle de classe, les élèves se lèvent et m’applaudissent. Un peu gênant et très encourageant, c’est la coutume pour les invités qu’on apprécie.

 

Je découvre les joies de l’électricité intermittente : le centre fonctionne principalement grâce à des panneaux solaires et groupes électrogènes. L’électricité de la ville est aussi stable que sa politique. C’est la première fois que je charge des VLock et fais des backups via un panneau solaire, mais ça passe. Soudain une détonation. C’est un ballon de baudruche qui vient d’exploser, il avait été mis pour me souhaiter la bienvenue. Ma chambre m’attend, j’y défais mes kilos de caméras, microphones, câbles et autres disques durs. Demain tout commence.

Jour 2 : L'éducation

Comme souvent, je me réveille à la lumière de l’aube. Ah non, cette fois il est 2h34 du matin, la lumière c’est celle des projecteurs installés pour éclairer la cour en cas d’intrusion.

Plus tard, le classique tchaï pour le petit-déjeuner : thé noir, sucre et lait. J’y suis devenu accroc depuis qu’un réfugié afghan m’avait offert d’en boire avec lui dans sa tente sur les bords de l’autoroute A1. Mais ça c’est un autre film.

 

Les cours commencent à 8h, mais les élèves viennent tous plus tôt. Le centre propose une éducation réfléchie, adaptée à chaque enfant, en bannissant punitions et non-mixité. Cette école est un réel plaisir pour eux, à la différence de l’école nationale afghane où les professeurs, souvent mal payés, mal formés, confondent éducation et châtiments personnels et où les élèves passent automatiquement à la classe d’après sans contrôle de leur niveau. On peut ainsi y trouver des élèves de 14-15 ans complètement analphabètes, qui viennent rejoindre les quelques 40% d’adultes analphabètes du pays.

 

Je commence à filmer, par instinct. Les enfants sont adorables et mignons : c’est tellement simple de faire de jolies images que j’en viens à penser que Steve McCurry n’a pas inventé l’eau tiède.

 

L’ONG s’occupe aussi de personnes sourdes ; ils sont très nombreux en Afghanistan, à cause de maladies et de mariages intrafamiliaux. Et j’imagine que l’explosion d’une roquette ou d’une mine ne fait pas du bien à l’oreille interne.

 

La journée passe tellement vite, je capture tellement de choses. Le rire des sourds, le douzième doigt d’un gosse, l’abnégation des enseignants, les cerfs-volants derrière les barbelés.

 

Je suis content de ma caméra qui arrive à immortaliser ces contrastes et ces couleurs. Aujourd’hui je n’en ai utilisé qu’une ; ai-je fait une erreur d’en prendre deux ? Je réalise que le matériel que je transporte vaut aussi cher que les cinquante salaires réunis des employés que compte le centre.

 

La nuit tombe, le bodyguard me confie et/ou m’impose un talkie-walkie : je suis Alpha 2.

Jour 3 : Kalachnikov et reggae

Nous sommes le 17 Farvardin 1400. Ce matin je filme le boulanger de l’ONG. Il doit livrer une quarantaine de pâtisseries aux seules personnes de Kaboul qui peuvent en acheter : les ambassades et les agences de sécurité.

Puis un atelier de couture, où de jeunes gens sourds apprennent un métier. Les tuniques et robes afghanes sont incroyablement jolies : YSL et Christian Dior peuvent aller se rhabiller.

 

Après la couture, cours d’esthétique. Tellement intime de filmer les visages de ces coquettes jeunes femmes qui se maquillent en silence. Finalement je suis très content d’avoir pris deux caméras, que j’utilise souvent en simultané et parfois dans de longs plan-séquences.

 

Ensuite cours d’informatique pour les sourds. Les dix unités centrales fonctionnent sur un vieux groupe électrogène. Le prof a été traducteur pour l’armée française, puis l’armée est partie sans se préoccuper du sort de la plupart des quelques 800 traducteurs, parfois laissés à la merci des talibans, des narcotrafiquants ou de l’État Islamique.

 

On mange : encore du riz. Je ne me plains pas car je pourrais être un de ces enfants qui trouve parfois son repas dans les poubelles. Et puis ce riz est vraiment très bon.

 

L’après-midi un cours pour apprendre à lire et écrire, donné à des femmes adultes et analphabètes. Éduquer, c’est aussi émanciper.

 

La répétition d’une pièce de théâtre. Dans cette pièce, deux jeunes adolescents prennent des rôles de femmes. Avoir le droit de se travestir dans cette région du monde n’est pas toléré par tout le monde. Si après avoir filmé des travestis afghans qui jouent une pièce de théâtre le CNC ne me donne pas de financements, il faudra que je choppe le zéro six de Boutonnat.

 

La cloche sonne la fin de la journée pour les élèves. La compagnie aérienne vient de m’informer que mon vol retour est suspendu, je resterais à Kaboul (au moins) un jour de plus.

 

Le soir tombe. Par-ci par-là on entend des coups de feu. On demande au bodyguard « qu’est-ce que c’est ?!? ». Réponse : « bah, des coups de feu ». Ah d’accord, merci.

C’est en faisant chanter son Avtomat Kalachnikova que certains célèbrent ici la victoire d’un champion local de MMA. Les backups sont presque finis tandis que je fais découvrir UB40 à la septuagénaire responsable de l’ONG depuis près de 20 ans. Elle kiffe Food for Thought et One in Ten, je lui explique les paroles : I'm the child that never learns to read 'Cause no-one spared the time. Ses traits ridés attestent du temps qu’elle y passe, son énergie a toujours la fougue de la jeunesse.  

Jour 4 : C'est la fête !

Par peur d’une attaque, le centre n’avait pas pu fêter les fêtes de Norouz (nouvel an perse) et de Noël (personne ici ne fête Noël, mais qu’on l’appelle Jésus ou Issa, c’est toujours bon de manger une buche). Alors on se rattrape : la fête, c’est maintenant !

 

Même si les téléphones sont confisqués à l’entrée, la fouille renforcée et la sécurité accrue, on peut quand même s’amuser. Une scène a été montée, on finit d’installer fanions, ballons et guirlandes. Les élèves viennent avec leurs plus beaux costumes, traditionnels ou occidentaux.

 

Pour l’occasion je sors un stabilisateur, les gosses sont impressionnés par cet engin bizarroïde qui me permet des plans très chouettes à hauteur d’enfant.

 

Tenez-vous bien : il y a même des fillettes qui ont viré leurs voiles et exhibent des coiffures très travaillées. Je filme cette scène où, devant la caméra, une jeune fille sourde enlève son voile, son amie lui fait remarquer par gestes qu’elle est filmée, mais elle réplique qu’elle s’en fout et exhibe sa chevelure à la caméra.

 

Froufrous, strass et paillette ; le gratin des indigents trié sur le volet. Au programme : discours chiant mais cool, chants trop mimis, danse chorégraphiée, sketchs, hymne national chanté en langue des signes… Si une licorne pétait un arc-en-ciel ce serait banal.  Quand un ballon explose pour la première fois tout le monde a néanmoins la même crainte, rapidement dissipée dans l’hilarité générale.

 

Pour nourrir ces 100 ou 200 personnes, le cuisinier a fait un Kabouli Palaw, une spécialité à base de riz, de pistaches, de carottes et de raisins. On a même droit à une cuisse de poulet. Je crois que la petite fillette trisomique commence à me faire du rentre-dedans. Il y en a une autre qui m’espionne. Une chaise devient tamtam, c’est la fiesta des bambins.

L’après-midi il y a des jeux, ça fait colonie de vacances. Je montre quelques rushs aux afghans, certains découvrent les joies du slow-motion. Bon allez, c’est fini, tout le monde dehors, rentrez chez vous. Les enseignants continuent de faire la fête dans le réfectoire à grands renfort de musique traditionnelle. Ils m’invitent à danser, je les époustoufle mais ça manque de bière.

On a toujours une moyenne d’une heure d’électricité par jour. Il y a dans ce pays des barbus qui s’amusent à détruire les pylônes, puis tirer sur les ouvriers qui les réparent.

Jour 5 : Une rencontre aphasique

Nous sommes Jeudi, c’est le week-end ici. Nous avons prévu de partir à la rencontre de la famille d’une institutrice sourde. Nous partons avec deux employées de l’ONG : une parle anglais et hazaragi, l’autre hazaragi et la langue des signes afghane. Il y a aussi la responsable de l’ONG et Farouk, le chauffeur.

Sur la route je crois que Farouk va tuer tout le monde avec le 4x4, mais à part une brouette et l’épaule d’un passant ça passe. Souvent de peu. C’est agréable de sortir du centre, découvrir les rues afghanes. Quelques sommets enneigés de l’Hindou Koush apparaissent au loin.

On galère un peu à trouver le chemin. Ici pas de noms de rues, pas de numéros, pas de GPS, pas de téléphone. L’ancienne adresse de l’ONG c’était « End of the road » car après la route se finissait. Les employées réussissent à se rappeler du chemin qu’elles avaient emprunté un jour, le 4x4 progresse en cahotant dans les ruelles.

 

Nous finissons par arriver chez la famille. Ils sont très pauvres. Le père fond en larmes, puis sa fille, l’institutrice sourde que nous sommes venus interviewer. Imaginez sa situation : 1 elle vit en Afghanistan, 2 c’est une femme, 3 elle est Hazara, 4 elle est sourde, 5 son père, très affaibli par une attaque cérébrale, a perdu son emploi. Heureusement l’ONG lui a donné une éducation, puis un travail. Elle est la seule personne de la famille à travailler, permettant la survie de ses parents et de ses trois jeunes frères.

 

On dirait un peu le téléphone arabo-afghan : je parle anglais à une employée, qui traduit en hazaragi à la seconde, qui traduit en langue des signes à la jeune femme, puis l’inverse pour que je puisse sous-titrer. On s’en sort, non sans émotion.

 

Ici les femmes n’ont souvent pas de nom de famille : on les désigne par « femme d’untel », « sœur de truc » ou « fille de machin ».

 

Nous revenons au centre. La femme de ménage a lavé les affaires que je lui avais confié. C’est très étrange car elle veut tout laver et faire ma vaisselle. J’ai commencé à m’y opposer mais la responsable m’a expliqué la situation : si je lui enlève son travail, je lui enlève sa dignité. Mais je prends parfois un étrange plaisir à faire ma vaisselle à l'abri des regards.

Je continue à me manger des portes dans la tête : faire plus de 180 cm n’est pas conseillé ici. Avant-hier c’est carrément une barre de fer qui m’a amoché le coin du crâne, mais j’ai l’habitude.

Quand le soleil se couche les cerfs-volants se lèvent. Les gosses ont un talent certain pour faire voler ces bricoles de plastique et de papier à plusieurs dizaines de mètres de haut. Ils ignorent qu’à quelques pâtés de maisons un français les filme au 200mm.

Cette journée riche en émotion mérite bien un repas spécial : pour la première fois depuis mon arrivée, je mange un repas sans riz.

Jour 6 : Aurore sur un toit

Je me lève à l’aurore, monte sur le toit de l’ONG avec une échelle en bambou. Je filme le jour qui se lève sur Kaboul en écoutant mes barbus préférés, les ZZ Top et leur chanson La Grange. Un garde du corps m’apporte du thé, j’apprendrai plus tard qu’il s’appelle Mohamed Ali. Il me regarde bizarrement lorsque je fais quelques mouvements de Kung Fu pour me réchauffer. La température n’est pas très élevée à 4h30. Sur le toit il y a des fils électriques de partout ; j’essaie de les éviter pour ne pas finir en Claude François.

Le spectacle est très chouette, j'en prends plein les mirettes. Le soleil caresse doucement les sommets, répand son halo rougeâtre en chassant les astres de la nuit. La ville s'éveille lentement, la température se réchauffe.

J’enregistre les muezzins, j’en ai entendu des meilleurs. La caméra fait des timelapses, les gens doivent se demander ce que je fiche. Le voisin a un pigeonnier, il libère ses oiseaux. Ici ces animaux ne sont pas très craintifs, et beaucoup plus jolis que leurs cousins parisiens.

Je profite du calme de la journée pour faire du dérushage. Même si j’ai bien tout scripté, j’ai l’impression d’avancer à la machette parmi les téraoctets.

 

Dans l’après-midi c’est l’interview tant redoutée de la responsable de l’ONG. J’ai encore une heure pour me préparer, le temps que le boulanger en finisse avec ce bruyant générateur. L’occasion d’amener un peu de lumière dans le local, à coup de miroirs et de toiles blanches (ici un M18 est construit par SigSauer et non par Arri, comprendra qui voudra). Bref, bien que très longue, l’interview se passe plutôt bien et est très riche.

 

On finit la journée en parlant alcool. Toujours pas internet mais, en me lavant les mains, surprise : c’est de l’eau chaude ! Quelle joie.

Jour 7 : A et O

Hier j’ai tellement apprécié me lever à 4h que j’ai remis le couvert. Cette fois-ci j’ai utilisé l’échelle en bambou pour monter jusqu’au toit le plus haut. Je ne suis pas mort, même si le bâtiment, construit en torchis, commençait à s’effriter. C’était très chouette d’assister au réveil de l’Hindou Koush avec un tchaï et King Gizzard. Il y avait même un afghan qui fumait de l’afghan, un joli cirrus et des cadavres de cerfs-volants dans les barbelés.

J’ai fini par redescendre de mon toit, surtout à cause de ma vessie. Le boulanger m’avait réservé une brioche.

Je suis allé filmer le cuisinier et la femme de ménage. Ils voulaient me marier à une afghane et me demandaient s’il reste une place dans ma valise pour qu’ils puissent venir en France. On a distribué le repas, du riz, à la centaine d’étudiants. Ici pour lutter contre le gaspillage, c’est les étudiants qui choisissent combien ils veulent de nourriture. Chacun finit son assiette, et les restes éventuels sont donnés aux familles du quartier.

 

Après j’ai filmé le repas du Koudekistan : il s’agit du jardin d’enfant pour les enfants sourds de moins de 6 ans. Mignon puissance mille, j’avoue avoir lâché ma caméra pour faire des coloriages avec eux.

 

Après nous avions rendez-vous pour deux interviews. Rhana, ancienne écolière, est devenue institutrice ici. C’était plaisant de l’écouter parler d’égalité, de bonheur et d’avenir, même si je flippais pour mes batteries qui chargeaient au panneau solaire.

 

La deuxième interview c’était Mohammad, l’étudiant qui jouait un rôle de femme au théâtre. Il était tellement content d’être là qu’à chaque réponse il remerciait l’ONG.

 

On a fini sur un moment très fort : l’orthophonie. Imaginez le professeur moustache et sa tête de clown qui s’obstine à enseigner à des bambins sourds les sons « A » et « O » en plaçant une main sur leur gorge, et ces mêmes chérubins à moitié aphasiques qui donnent tout pour bouger leurs cordes vocales.

Tiens, l’électricité vient de se couper. Pour ce qui est d’internet, il est aussi hasardeux qu’un couvre-feu français. La responsable de l’ONG dit que le réseau se coupe quand un avion militaire américain passe au-dessus de nos têtes.

Jour 8 : Under attack !

L’alarme retentit. Les enfants se ruent vers la sortie. Ce n’est pas l’alarme incendie. Tout le monde tente de rejoindre les portes blindées. Ça court de partout. Le bodyguard gueule d’aller plus vite. On traverse la cour. On atteint les portes. Descendre les escaliers. Bousculades. On court. Plus vite, plus vite ! La deuxième porte blindée se referme. Les écoliers s’entassent dans une safe room. Les plus jeunes pleurent. Le système de ventilation est activé. On attend.

Une annonce au talkie-walkie : c’était un exercice. Et oui, on vous a bien eu. N’empêche qu’il y a quelques temps, à la maternité de Médecins Sans Frontières juste à côté du centre, la situation était bien plus dramatique. Un assaut de 4 heures, des femmes enceintes et des nouveau-nés pris pour cible. L'adjointe avait sa sœur là bas. Et son frère est le seul survivant d'une bombe placée sous sa voiture. Bref, ici on préfère se préparer.

Il aura fallu moins d’une minute pour mettre tout le monde à l’abri. Quand on lui avait proposé de construire une safe room seulement pour elle, la responsable de l’ONG avait refusé : il faut que tout le monde puisse se mettre à l’abri. 

J’étais dans la confidence. J’ai pu me préparer pour courir un sprint avec deux caméras et un enregistreur son ; c’était plutôt rigolo.

Ensuite on enchaine les interviews. La plus marquante est celle de Faozia, l’une des femmes de ménage. Dans sa jeunesse, sa mère l’avait enfermée ainsi que ses sœurs le temps d’aller faire des courses (vous comprenez, ce sont des femmes, il vaut mieux les enfermer dans la maison). Sauf que le poêle a pris feu, elles étaient coincées à l’intérieur. Sa main a été gravement brûlée. Et au lieu de consulter un médecin, ses parents ont jugé bon de l’emmener voir un mollah. Le type a enroulé un verset du coran, recommandé la prière… bref, elle a perdu l’usage de sa main. Elle a été mariée. Son mari était un fumeur d’opium qui la battait et lui volait son argent pour payer ses doses. Il a succombé à sa dépendance. L’ONG a offert un travail à Faozia, qui était très émue de me confier son histoire.

Il y a eu aussi le cours de peinture, celui de couture, encore des cours et des cuisiniers, des portraits, des plans de rue, de la balançoire et bien plus encore. C'était très dense.

En fin d’après-midi un orage a éclaté avec quelques éclairs. Dans les collines surplombant la ville, l’armée s’entrainait à tirer des fusées éclairantes. Et au milieu de l’orage, des enfants innocents s’amusaient.

Jour 8 : Un dernier tour en ville

Dans deux jours commence le mois de Ramadan. Et le jour avant Ramadan est férié, ce qui signifie qu’aujourd’hui est le dernier jour où je verrais les enfants et l’équipe de l’ONG.

Le directeur adjoint m’emmène en ville afin de réaliser un test PCR pour mon retour en France. Je n’ai pas envie de quitter ce pays, surtout pour revenir dans une macronie confinée pour les pauvres. Je croise les doigts pour avoir le Covid et rester ici quelques temps supplémentaires, même si j’ai beaucoup à faire en France. Le directeur adjoint tient à m’emmener manger un kebab afghan. Après j’ai droit à une séance chez un tailleur pour me confectionner une tunique traditionnelle afghane.

 

La circulation est dense. D’ailleurs je crois que les panneaux de signalisation et les feux tricolores n’existent pas ici. Malgré les charrettes à contre-sens et les gens qui traversent, ce n’est pas plus chaotique qu’un périphérique parisien.

 

En revenant au centre je filme plusieurs jeunes enfants, certains se confient devant la caméra. Derrière l’objectif, ils s’amassent tous pour observer le cadre. Je suis obligé de faire la police pour qu’ils gardent le silence.

 

L’été commence à venir, il fait de plus en plus chaud. Il y a pourtant certains enfants qui portent une doudoune et un bonnet, c’est un mystère pour moi. Une jeune fille sourde m’avait dit qu’elle pleurerait quand je partirais.

 

Je profite de ces derniers instants avec les enfants pour filmer leurs jeux et faire des plans très près de leurs visages. Ça les fait rire, c’est toujours ça de pris.

 

La cloche sonne, ils partent au compte-goutte : comme tous les jours, le garde vérifie la caméra de surveillance. La voie est libre, la porte s’entre-ouvre. On laisse rapidement filer quelques bambins puis la porte blindée se referme, et ainsi de suite. Ils sont partis.

 

Ne restent que trois enseignantes avec qui je partage un thé et du Jacques Brel. Elles espèrent me revoir un jour, je leur explique les paroles de Ne me quitte pas. La responsable de l’ONG fait office de tardjuman, de traductrice. Il faut se quitter, les portes d’acier se referment.

 

Dans la soirée Farrouk le chauffeur revient avec mon test Covid, hélas négatif. Il m’amène aussi la tunique afghane qui vient d’être cousue et ma monnaie, 200 afghanis. En rentrant dans le pays j’avais été frappé par les fautes d’orthographe présentes sur le document officiel de l’immigration. Là je suis choqué par les billets : il est écrit « Da Afghanistan Bank » ; voulaient-ils dire « The Afghanistan Bank » ? Je leur ai demandé des explications par mail, j'attends la réponse. Les billets sont imprimés sur des papiers différents, la plupart tiennent avec du scotch.

Les américains vont quitter l'Afghanistan, il est aussi temps pour moi de partir.

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